Avoir des ennemis est indispensable pour l’ego. Mais tout le monde n’en a pas, et c’est vraiment étonnant. Il faut donc s’en faire. Mais pas de souci. C’est vraiment devenu facile dans le monde actuel. Prenez exemple sur les Américains. Leurs inimitiés avec le reste du monde ne datent pas d’hier. Mais les attentats du 11 Septembre leur ont donné une raison d’être qu’ils avaient perdue en 1989 lors de la fin de la Guerre Froide. Deux tours s’écroulent à New-York, et ils cessent soudain d’être transparents et insignifiants. Vous voulez, vous aussi, exister socialement grâce à vos ennemis? Voici une petite méthodologie: Qui sont-ils? Comment les cultiver? Que devez-vous faire pour en avoir? Autant de questions auxquelles cette page tente de répondre…
Il y a le flagorneur, celui qui vous trouve intelligent, redoutable, admirable, et qui vous flatte à longueur de temps. C’est un excellent candidat à l’inimitié. Vous pressentez qu’il voudrait devenir votre ami, mais surtout ne le laissez pas faire! Vous avez déjà assez de relations et de copains comme ça. Recyclez-le de suite en ennemi. Vexez le en lui posant un lapin un jour de pluie sur le trottoir face à une station de métro. Après vous être assuré qu’il n’existe aucun troquet à proximité pour l’abriter. Soit le flatteur est un angoissé de son apparence qui va vous percevoir de suite comme un concurrent qu’il faut s’associer. Et là c’est à vous de le décourager par votre bassesse naturelle. Soit le flatteur est un faux-jeton qui vous console ainsi pour que vous lui foutiez un jour définitivement la paix. Parce que ça fait déjà trois mois que vous le gonflez avec vos histoires de cœur… Continuez: vous êtes sur la bonne voie !
Il y a le débiteur, celui que vous avez mis en situation de vous être redevable, tout en sachant qu’il ne pourra jamais vous rendre la pareille. Vous l’avez par exemple mis sur un plan boulot, le truc sur lequel il ne comptait plus depuis des années. Chaque fois que vous le croiserez, surtout en prenant quelqu’un à témoin, sa femme: excellent! vous lui rappellerez tout ce qu’il vous doit. Lourdement, et j’insiste: à chaque fois. Il finira bien par vous en vouloir à mort. Une variante efficace est de prêter de l’argent. Et de rappeler au gusse, même longtemps après qu’il vous ait remboursé, que sans vous, hein, la baraque… Efficacité garantie sur son amour-propre. Ils vous détesteront inévitablement.
Il y a le petit malentendu avec un ex-ami que vous pourrez monter sans problème en mayonnaise. Il suffit le plus souvent de donner mauvaise conscience à quelqu’un pour qu’il vous en veuille de le mettre devant sa mesquinerie. Simplement parce que dès que quelqu’un est en tort, il va vous haïr un peu, beaucoup, passionnément… C’est vrai en amitié, c’est vrai en amour. Pour une petite turpitude (votre maîtresse a roulé une pelle à un de vos collègue un soir un peu arrosé en séminaire des cadres) pas grave du tout, vous en faîtes en fromage. En évitant qu’ils ne se liguent contre vous, car les ennemis par paire c’est difficile à gérer. Détester quelqu’un permet de garder bonne conscience. Ceux qui pensent vous faire du mal ne vous le pardonnent jamais. Il est bien plus facile de se fâcher avec un ami et de s’en faire un ennemi que de reconnaître ses erreurs ou de pardonner i.e de déculpabiliser l’autre. Le risque est bien sûr l’indifférence. Mais si ça a été un ami véritable, de trente ans par exemple, se sera un véritable ennemi. Bonjour les super-costards qu’il va vous tailler! Vous serez habillé pour l’hiver !
Il y a le jaloux. Celui qui voudrez être comme vous, avec une nana canon, avec une voiture canon, à habiter une maison canon, ou tout simplement être un canon. Comme vous. Amusez vous à croiser parfois le regard de personnes de votre âge au bureau ou dans la rue: voyez cette haine sourde! Mais la jalousie peut ne pas assise que sur la différence radicale. Elle est bien plus fréquente quand elle s’appuie sur la ressemblance et la similitude. Tout ce qui dans l’apparence tend à rapprocher, en réalité sépare définitivement. Ce n’est plus exactement de la jalousie mais de la rivalité mimétique, chère à mon maître René Girard (l’auteur génial et très catho: “Des choses cachées depuis l’origine du monde”). Mais cet ennemi là n’est pas toujours très fiable. De grandes amitiés sont parfois nées de grandes inimitiés.
Si enfin vous avez la chance d’être jeune et sexuellement désirable, vous constituerez un objet de dépit et de ressentiment pour l’autre moitié de l’humanité, plus quelques êtres aux désirs bizarres. Pour peu qu’ils se dévaluent (mais vous pouvez aussi les aider!) au point de penser n’avoir aucune chance avec vous, vous vous découvrirez, d’un coup d’un seul, des ennemis à ne plus avoir qu’en faire.