A quoi distingue-t-on un socio-libéral froid d’un socialiste tiède (et mou… beurk!) ? A leur divergence de point de vue sur l’aide sociale et les revenus de transfert. Ainsi quand Emmanuel Macron affirme père-emptoire : « On met un pognon de dingue dans les minima sociaux et les gens sont quand même pauvres », il le pense vraiment et il tient là le langage du libéralisme le plus con !
Petit rappel historique : après-1945, lorsqu’une grande partie de l’Europe était détruite, que la guerre venait de faire 80 millions de morts dans le monde, quelques esprits éclairés se sont interrogés sur comment éviter le retour de pareille catastrophe. La menace d’une invasion soviétique n’était pas absente de leur réflexion. Leur conclusion fut que seule une meilleure répartition des richesses permettrait la reconstruction et le rattrapage sur les Etats-Unis. Ainsi naquit l’Etat-Providence (en anglais : Welfare State) sous l’action de socialistes et de travaillistes.
Ce furent le chômage et l’inflation galopante qui firent le lit du nazisme, l’abrutissement des foules qui lança l’Italie dans les bras du fascisme. Seules des politiques volontaristes de transferts massifs de revenus semblaient donc pouvoir atteindre cet objectif simple : faire adhérer toute une population au modèle capitaliste.
En France, la construction d’un Etat-Providence réunit après la Seconde Guerre mondiale communistes, socialistes, démocrates-chrétiens et gaullistes. Elle s’appuya sur le programme du Conseil national de la Résistance, élaboré dans la clandestinité. C’est ce document – et le pacte social qui va avec – que veulent remettre en cause les libéraux aujourd’hui.
Pendant plus d’un demi-siècle, ce modèle d’Etat a permis un développement économique sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Sans guerre civile, sans basculement violent dans le communisme. Au contraire, les détenteurs de capitaux se sont enrichis comme jamais et la grande pauvreté a été éradiquée du monde occidental. Cet Etat résista au ralentissement de la croissance après les Trente-Glorieuses, à l’inflation des années soixante-dix, à l’explosion du chômage à partir des années quatre-vingt et à la crise financière de 2008.
Mais il fut, dans les années quatre-vingt – il y a plus de trente ans – remis en cause en profondeur par une fille d’épicier et un acteur de western raté. La chute de l’empire soviétique encouragea leurs successeurs socio-libéraux, les Schröder, Blair et autres crétins froids, à s’acharner à leur tour contre la bienveillance publique. Ce fut lors la présidence de Jacques Delors (ex-ministre pseudo-socialo français) que l’Europe se convertit à ce libéralisme de chiottes. La France, entre les outrances d’un vibrion hystérique et l’immobilisme flageolent d’une crême dessert, était plus ou moins parvenue à échapper à la déconstruction méthodique de son système d’aide sociale; mais pas à celui de ses retraites, entamée dès le gouvernement Raffarin en 2002.
Depuis peu, la voici (re)devenue la cible des cons. Parce que votre président jupitérien le laisse fuiter au détour d’une vidéo, la redistribution, c’est fi-ni… Non seulement ça coûte cher (premier temps) mais c’est inefficace (deuxième temps).
Sur le premier point, aucun doute ! Juste pour vous donner une idée, l’aide sociale (RSA, personnes âgées, etc) versée par l’administration départementale de l’endroit où j’habite représente en moyenne 1 million d’euros… par jour. A laquelle, il faut encore ajouter les aides de l’Etat, via l’assurance-chômage ou la sécurité sociale.
C’est sur l’inefficacité que le raisonnement est totalement erroné… S’il n’y avait pas les minima sociaux, le taux de pauvreté ne serait pas de 13,9 % en France mais de 24 %, ce qui veut dire qu’un Français sur quatre serait en situation de pauvreté*. La prime d’activité à elle seule a fait baisser le taux de pauvreté de 0,4 %. C’est ainsi que le taux de pauvreté en France est inférieur à celui de l’Allemagne, qui est à 16,5 %, celui du Royaume-Uni et de la moyenne européenne.
Si on touche de manière massive aux aides sociales, on risque de voir le taux de pauvreté exploser. Et avec lui, le vote Front National. Car l’ironie de l’histoire, c’est que nous avons élu – sauf moi et quelques autres qui nous sommes abstenus – ce président méprisant pour arrêter les fachos. Or, à casser le dernier rempart contre la paupérisation, le petit Emmanuel est en train de leur ouvrir la porte en GRAND !
Notre système institutionnel est si bien fait (c’est ironique, bien sûr…) qu’il suffit de gagner une seule élection pour être le maître à bord, via les ordonnances et pourquoi pas l’article 16. Surtout si quelqu’un a la bonne idée de foutre le feu au Reichstag. L’avenir m’apparaît chargé de gros nuages noirs. Mais dormez tranquilles, bonnes gens, le jour où Marine Le Pen entrera à l’Elysée, nos élites actuelles seront loin. Quant à ma pomme, je demanderai l’asile politique en Wallonie.
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* Selon l’Insee (dont les statistiques alimentent Eurostat, l’organisme européen des comparaisons statistiques) le seuil de pauvreté d’un pays est calculé par rapport à la distribution des niveaux de vie de la population de ce pays. Les pays européens utilisent un seuil à 60 % de la médiane des niveaux de vie. Un pauvre est donc une personne (en fait une unité de consommation) dont le revenu mensuel est inférieur à 60% du revenu médian du pays considéré (soit 60% de 1837 euros par mois, hors revenus de transfert et hors impôts). Soit si elle gagne moins de 1102,2 euros par mois…
Voici une pièce d’anthologie : une interview d’Alain Minc (parue dans mon quotidien préféré du 09/07/2018) . C’est bien plus grave que je ne le croyais : ces cons-là savent vers quelle catastrophe sociale ils vont ! Et ils nous y entraînent avec eux. Alors pourquoi ne pas appeler en réponse à l’insurrection, comme nous l’a appris le camarade Mao : feu sur les états-majors !
Dans son discours au Congrès du 9/7/2018, Emmanuel Macron prétend vouloir “fonder l’Etat-Providence du XXIème siècle”. Quelle bêtise ! Non seulement, ça sonne creux. Mais il m’est tout simplement impossible de faire confiance à un libéral pur-jus pour transformer (réformer) l’Etat-providence historique, afin de le rendre plus efficace, juste, étendu.
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