Anti-sioniste

Peut-on être antisioniste sans pour autant tomber dans l’antisémitisme ?

Revenons-en à quelques définitions simples : le sionisme est l’idée promue par T.Hertzl (1860-1904) que les Juifs ont droit à un « foyer » en Palestine. Ce sont les Anglais (déclaration Balfour de 1917) qui, au lendemain de la seconde guerre mondiale, autorisèrent avec réticence et parce que soumis aux pressions terroristes de l’Irgoun comme de l’opinion publique internationale, l’implantation des Juifs d’Europe en Palestine. Celle-ci était à l’époque un ancien territoire ottoman, placé sous mandat d’administration britannique par la Société des Nations.

Admirons au passage avec quelle facilité les Anglo-saxons cédèrent un territoire qui ne leur appartenait pas. Dès sa naissance, l’Etat d’Israël fut donc en guerre contre ses habitants non-Juifs, ceux-ci étant défendus plus tard par les Etats arabes voisins, Egypte et Syrie. Israël devint par la force des choses un point de fixation dans la guerre froide.

Le sionisme est l’idée selon laquelle l’existence d’Israël est légitime ; l’antisionisme, que l’Etat hébreu est illégitime. Notons que certains Juifs ultra-orthodoxes pensent que la proclamation d’un Etat juif est prématuré, parce que seule l’arrivée du Messie peut instaurer le royaume de Dieu sur terre. Notons également que certains évangélistes américains (chrétiens) dont fit partie un ancien président américain pensent qu’il faut aider Israël à établir un Etat juif pour permettre cette parousie (l’arrivée du Messie).

Pour ma part, je suis certain que la proclamation d’un Etat hébreu était juste en 1948, sous réserve qu’un « arrangement » ait pu être trouvé avec tous les Arabes y habitant. Mais je crois que dans la situation actuelle en 2019, après la guerre de 1968 (6-jours), celle de 1973 (Kippour) celle du Liban et des massacres des camps de Sabra et Chatila (1982) après les « opérations » à répétion contre Gaza, face à une politique expansionniste (les colonies d’Eretz Israël) et ségrégationniste (le mur de séparation), l’idée sioniste est aujourd’hui totalement discréditée.

Je me range donc parmi les personnes qui critiquent la politique extérieure israëlienne nationaliste, belliciste, raciste. Comme peut le faire Zeev Sternhell, professeur israëlien de sciences politiques et spécialiste des idées d’extrême droite. Ou Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France. Bien sûr, je ne suis pas israëlien. Ni Juif. Mais faut-il être français pour critiquer la France, états-unien pour critiquer le locataire de la Maison-Blanche, russe pour, etc ?

 

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L’adjectif « sémitique » apparaît à la fin du XVIIIème siècle sous la plume de l’orientaliste allemand A. L. Schlözel (1781) pour désigner des langues dont la parenté était perçue dès le Moyen Âge par les docteurs juifs : l’hébreu, l’araméen et l’arabe. Le mot est créé d’après le nom d’un des fils de Noë, Sem, dont la descendance serait aussi bien arabe que juive.

Lors de l’affaire Dreyfus, en France, entre 1894 (la condamnation) et 1906 (la réhabilitation) il y eut des philosémites, défenseur de l’innocence d’un obscur capitaine de religion juive (on disait aussi hébraïque) et des antisémites, partisans de sa culpabilité. Celle-ci était présumée, pour certains, sur le seul critère de sa religion, qu’ils assimilaient abusivement à une race.

Du fait de cette confusion stupide entre religion et appartenance à un groupe humain particulier, l’antisémitisme prit une signification raciste. Attaqués du fait de leur position sociale (présumée) dominante, ou persécutés par les églises comme descendants des bourreaux de Jésus-Christ, les délires de certains les placèrent au cœur de toutes sortes de complots, de celui des Sages de Sion (édités en Protocoles à Paris en 1901) jusqu’à celui des ploutocrates de l’actuel groupe Bilderberg.

Ce sont ces délires paranoïaques qui permirent l’extermination sur un mode industriel de 7 millions de Juifs par l’appareil d’Etat nazi, aussi bien dans les chambres à gaz des camps que sous les balles des Einsatzcommando. C’est la même folie d’anéantissement qui s’empara de Staline et que décrit Vassili Grossman dans son roman “Vie et Destin”.

Le fond de la pensée de l’antisémite d’aujourd’hui, c’est de regretter qu’Hitler n’ait pas eu le temps de finir le job. Il m’est viscéralement impossible d’adhérer à un tel nihilisme. Je ne suis pas antisémite et je ne te ferai pas le coup, ami lecteur, du : d’ailleurs j’ai des amis, etc… Je me fous de savoir si mes amis sont Juifs ou martiens, ce sont mes amis.

 

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Alain Finkielkraut est quelqu’un qui pense que tout était mieux avant. C’est un réactionnaire pur jus dont je ne partage pas la plupart des idées. Mais je juge abject qu’il ait été haineusement agressé, traité de « sioniste » à cause de ses prises de position sur le droit d’Israël à exister.

Depuis cinquante ans, les tensions au Proche-orient, à Gaza ou ailleurs, nourrissent le ressentiment envers les Juifs, d’Israël et du monde, dans la culture arabo-musulmane, jusques et y compris dans les banlieues françaises. Un fort soupçon de solidarité inconditionnelle des Juifs de France à l’égard de l’Etat d’Israël, a cours parmi nos concitoyens. De fait, il est avéré que ceux-ci sont souvent sollicités par des organisations diverses pour soutenir la cause sioniste, dont celle de l’armée israëlienne.

Certains intellectuels, dont fait partie Alain Finkielkraut, ne cachent pas cette sympathie. C’est leur opinion et elle est respectable. Remarquons incidemment qu’au sens propre de “défenseur inconditionnel du droit d’Israël à une existence légitime”, Alain Finkielkraut peut être qualifié de sioniste.

Mais parce que l’antisémitisme est poursuivi par la loi, le manifestant qui a agressé le philosophe a détourné le terme “sioniste” de son sens premier. Il l’utilise, avec quelques autres individus d’extrême droite, dans le sens de “connard  de pro-israëlien persécuteur du peuple palestinien” (je résume une pseudo-pensée Dieudonné).

L’agresseur d’Alain Finkielkraut se perçoit très certainement comme victime de ce sionisme. Il est tellement plus facile de trouver une cause externe à ses malheurs et à ses maux – un bouc émissaire en l’occurence les Juifs – que de se croire /vouloir maître de son destin.

Quel crétin !