En France, on aime bien les hommages, après les dommages.
Il y en a plein les chaînes de télé. On voit les ministres avec leur tronche d’empeigne qu’on devine grave sous les masques.
Les enterrements solennels, c’est le moment de bien se tenir, d’avoir l’air convenable, de ne pas rigoler tout haut, de se réjouir seulement en dedans. En dedans, c’est permis. Tout est permis en dedans. On se retient devant le défilé des galonnés, préfet, chef de cabinet, colonel de gendarmerie. Des fois qu’on serait fusillé. Ils passent vite fait dans une école bien choisie, élèves triés sur le volet. Pas bouger. Ils sont entourés d’une armada de poulets, journalistes, photographes, cancaniers.
Surtout ne pas dire la vérité, pourquoi on l’a tué le prof décapité, enterré. Ne pas dire que sa hiérarchie l’a lâché, que des parents d’élèves l’ont dénoncé au prétexte que son enseignement les avait dérangés , que des élèves, des « gamins », l’ont désigné nommément à son assassin. Des gamins qui regardent des films porno à douze ans, savent confectionner une bombe artisanale à treize en allant sur le « dark web ». Vous avez dit « gamins » ?
Tous ces débordements d’émotion en hommage, ces congratulations, ces élans de solidarité sont bien des simagrées, des mises en scène. Dommage !
Professeur Mottro,
7 novembre 2020.