La Secrétaire du MEDEF Touraine vient d’envoyer un mail à la communauté scolaire tourangelle. Elle y invite les professeurs à venir en stage dans les entreprises, en affirmant que professeurs et patrons ont les mêmes objectifs auprès des jeunes !
Jadis, quand un professeur de l’enseignement professionnel rendait visite à un élève en stage en entreprise , il était davantage perçu comme un empêcheur de tourner en rond que comme un collaborateur ayant les mêmes objectifs que le patron.
A présent, comme le change Boris Vian dans « la complainte du progrès », ce n’est plus pareil, ça change, ça change… Nos élus politiques, nos gouvernants, à commencer par le premier d’entre eux, donnent l’exemple : « moi, j’aime l’entreprise » dit-il en août 2014 à l’université d’été du MEDEF . Il aurait pu dire : « moi, j’estime/je respecte l’entreprise » mais non ! Il lui a déclaré son amour. Amour à sens unique quand on voit, en 2016, les résultats du « pacte de responsabilité » ! Premier paradoxe donc !
Deuxième paradoxe maintenant , et non des moindres : jamais il ne s’est autant agi de parler le « langage-éco » qu’à l’heure des crises économiques en Europe et dans le monde. « Un bon professeur doit bien gérer sa classe, soigner le capital relationnel avec ses élèves, veiller à un déficit d’image éventuel, et surtout : s’investir dans son établissement pour être plus performant !
L’école participe « naturellement » de ce « langage-eco », en particulier dans l’enseignement professionnel où les professeurs sont confrontés au désir des élèves d’entrer le plus vite possible dans le monde du travail tandis que, 3ème paradoxe, il est saturé de demandeurs d’emplois, de stagiaires, de contrats précaires.
Jadis, les professeurs pouvaient faire patienter les élèves, leur transmettre quelques connaissances, éveiller leur esprit critique, ne pas seulement former un ouvrier ou un employé utile (pour ne pas dire servile) au patron : le Bac pro est passé de 4 à 3 ans depuis 2005 , il s’est aligné sur le Bac général.
A présent, ce n’est plus pareil, l’école sert l’entreprise quand elle-même ne tend pas à en devenir une. Il suffit d’entendre un professeur de vente dire : « moi, j’obéis au proviseur car c’est mon patron » un peu comme aux Galeries Lafayette !
Pourquoi s’en étonner puisque la France est devenue une Entreprise dont le Président est le premier représentant de commerce ?
Professeur Mottro
Mars 2016