savoir

Depuis le milieu des années 80, l’Ecole et l’Université affirment le principe de transmission des savoirs selon un mode de plus en plus exclusivement utilitaire. Pour ce faire, le mot d’ordre affiché, politiquement correct et consensuel est : « savoir pour obtenir un métier » ; cela se traduit par la professionnalisation de l’enseignement : ouverture du secondaire sur l’entreprise avec multiplication des stages et bientôt mise en place du « lycée des métiers », professionnalisation des filières universitaires au niveau du D.E.U.G. L’Ecole s’inscrit dans la logique de production du système libéral pour lesquels la finalité du savoir ne se pose pas en terme d' « être » mais d'« avoir ». Certes, il ne s’agit pas de nier l’importance de la « formation professionnelle » et les objectifs pratiques d’acquisition d’un métier mais, dans la logique libérale, tout ce qui n’est pas directement utile à la professionnalisation est de moindre importance : savoir, pour « être », être heureux qu’il existe des littératures, des cinémas, des langues, des musiques etc… des cultures différentes est INUTILE. Ainsi les disciplines, notamment littéraires, qui contribuent, chez les élèves et les étudiants, à l’élaboration du sens et du sens critique par induction et par questionnement, sont condamnées à disparaître ou à « s’adapter » en devenant techniciennes ou technicistes. Dans ce domaine, les « sciences de l’Education » ont contribué à les vider de leur contenu humaniste à l’aide d’une pseudo-théorie qui fourmille d’un vocabulaire abscon empruntant au métalangage linguistique ce qu’il a de plus obscur et de plus pédant. Le savoir est devenu un objet ; sa transmission, une offre de CONSOMMATION : il n’y a pas à s’étonner que la plupart des jeunes étudiants soient des consommateurs de savoir avec des stratégies de choix en fonction de l’« utile » ou simplement en fonction de leurs humeurs à la façon dont ils « zappent » devant la télévision. Combien sont les enseignants conscients de cette évolution ou de cette dérive ? Beaucoup veulent croire que l’Ecole est encore une enclave sauvegardée, que « cela » se joue ailleurs. Pierre Bourdieu – qui n’écrivait pas que des textes illisibles – avait invité les « intellectuels » à un « savoir engagé » ; l’intelligence n’est pas l’apanage des seuls intellectuels : elle est le propre de l’être humain…