Il y eut l’obsession de Gustave Flaubert (à la mémoire de qui ce site est dédié) contre la bêtise de ses contemporains, le délirium de Friedrich Nietzsche contre le nihilisme européen, les virulences d’Arthur Rimbaud (souvent pour me mettre en jambes, je relis les Assis) contre la bêtise de l’ordre établi. La littérature fut de tout temps parcourue d’un soubresaut salutaire et méchant contre la connerie humaine. Tout en sachant que la colère contre la connerie, bien que saine, est également vaine.
Le con, c’est toujours l’autre, croit-on. Mais l’on se trompe lourdement : nous sommes tous, chacun, le con d’un autre !
Alors, d’où est-ce que je parle ? Quelle est ma légitimité à la ramener sur le vaste et grave sujet de la connerie ? Aucune, je suis un con comme un autre. Juste un peu plus lucide sur ma vraie nature, peut-être. Je suis donc, humblement con.
Et quelle est la connerie dont il est ici question ? La connerie est un terme générique pour désigner toute sorte de qualités humaines insupportables : la bêtise, la méchanceté, le mépris et toutes leurs qualités dérivées. Parmi les cons, il y a le nouvel amant de votre ex’ (ah ! le con…), votre ex’ (quelle con/ne !) votre collègue (p’tit con !) vos parents (vieux cons !) vos enfants (bande d’cons…).
Je ne sais pas vous mais moi, je suis toujours comme rassuré chaque fois que je trouve plus con que moi. Et même le moins sûr de lui, finit toujours par trouver plus con que lui. Et les vrais cons – ceux qui vous méprisent vraiment – sont plus rassurés que vous ne pouvez l’imaginer. Ceux-là ne doutent de rien, surtout pas d’eux-mêmes : ce sont ceux-là qui osent tout, selon la géniale formule des Tontons flingueurs.
Contre la connerie, soyez rassuré : je vous le confirme, il n’existe aucun remède. Le mal est incurable. Tel le péché originel (quel con, cet Augustin d’Hippone !) il vous colle à la peau dès la naissance. On naît con, on ne le devient pas. A un collègue que j’interrogeais : crois-tu que je deviendrai un jour vieux et con ? il me répondit avec beaucoup de bon sens et de gentillesse : si t’avais commencé jeune et con, peut-être…
Humain, trop inhumain : quelle est la vraie nature du con ? La nature humaine, la part naturelle de l’humain en opposition à sa part culturelle, est-elle d’être con ? Ce qui laisserait entendre deux choses : d’une part, que la connerie relèverait de la bestialité de l’homme, qu’elle nous viendrait du fond des âges (je crois vraiment que la connerie est éternelle, au moins autant que Dieu lui-même…). Et que par ailleurs la culture nous permettrait d’échapper à cette nature. Ce qui en revanche me paraît quelque peu erroné et vain : la culture (au sens de civilisation) n’empêche pas l’humain d’être parfois très con, et suicidaire. Nihiliste, au sens propre.
La culture, c’est à dire la loi, la religion, la politique, n’arrête pas l’homme dans sa dégringolade : seul l’art et la poésie parfois le peuvent…
Je n’ai plus du tout foi en l’humain (ni foi en Dieu d’ailleurs, mais ça, c’est réglé depuis longtemps… en revanche nombre de cons se prétendent encore humanistes !). Mais j’ai une foi aveugle dans le con : le con comme avenir de l’humain. Pas au sens propre, ni sale, au sens strictement figuré, n’ss’pas ! Cette certitude que l’avenir appartient aux cons, est cependant aussi à l’origine d’une autre grande interrogation métaphysique : combien sommes-nous de cons sur cette planète et cette proportion n’est-elle pas en train d’évoluer à la hausse selon une dangereuse asymptote ?
Donc qu’en est-il aujourd’hui ? Le thème méritait d’être actualisé, afin de décourager certains cons de redresser la tête, de s’inviter chez nous, par les fenêtres de la télé, de la pub, maintenant du net.
La connerie est un thème philosophique fondamental. Profond sujet de contemplation, puisqu’elle fait nécessairement partie de notre condition humaine, tragique, dérisoire. Et l’on n’a jamais assez d’une vie pour s’en débarrasser. Jean Jacques Rousseau disait : l’homme naît bon. Mais non, mais non… en fait : l’homme naît con. Mais ça va ensemble et c’est d’ailleurs confirmé par la sagesse populaire : trop bon, trop con…
A travers la convocation des autres à témoigner de la leur, j’écris d’abord pour exorciser ma propre connerie.