Le XXIème siècle est né le 1er juillet 2002

nuremberg

Quand le monde est-il entré dans le nouveau millénaire? Est-ce le 11 Septembre ainsi que certains pessimistes peureux voudraient le croire ? Ou n’est-ce pas plutôt le 1er Juillet 2002, lors de l’entrée en vigueur du Statut de Rome instituant la Cour Pénale Internationale ainsi que l’optimiste radical que je suis préfère le supposer ?

Le triste XXème siècle est parcouru de tentatives d’anéantissement de peuples entiers selon des processus planifiés et surtout industrialisés grâce au chemin de fer et au zyklon B : 1,5 millions d’Arméniens, 3 millions d’Ukrainiens, 6 millions de Juifs, 250 000 de Tziganes, 5 millions de Slaves, 25 millions de Russes, 25 millions de Chinois, 1 million d’Ibos, 1,5 million de Bengalis, 1,7 million de Cambodgiens, 250000 Burundis, 500000 Ougandais, 2 millions de Soudanais, 800000 Ruandais, 2 million de Coréens du Nord, 200000 Bosniaques. Et tant d’autres : Kurdes, Palestiniens, Chiliens, Argentins, Uruguayens, Xingu…

Ce siècle sombre était dans la continuation des précédents. Qu’il s’agisse du massacre des Amérindiens par les conquistadores espagnols. De celui des Indiens Peaux-Rouges par les Etats-Unis d’Amérique. Ou encore de la déportation de 15 millions d’Africains aux Amériques et dans les Caraïbes (sachant qu’un Africain sur deux mourrait lors du transport). Et de la mise en coupe réglée de tous les continents par l’impérialisme occidental, à coup de corvée et de chicotte.

Mais quelques lueurs d’espoir sont nées en cette fin de second millénaire.

Les ancêtres d’une cour pénale avaient été les Tribunaux militaires de Nuremberg, pour juger des crimes nazis, et de Tokyo, pour juger des crimes nippons. Mais aussi le tribunal pénal d’Arusha pour le Rwanda, établi le 8 novembre 1994, et celui de La Haye, pour juger des crimes commis en ex-Yougoslavie, institué le 25 mai 1993, tout deux à l’initiative du Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Le 9 décembre 1948, les Nations Unies avaient élaboré la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui entra en vigueur le 12 janvier 1951.

Puis la mise en résidence surveillée par le gouvernement anglais d’un ancien chef d’Etat, jamais désavoué et sénateur inamovible en son pays, Augusto Pinochet, sur le mandat d’un petit juge espagnol (suivi d’une pitoyable déballonnade britannique…) avait déjà rendu espoir aux défenseurs de l’impérieux devoir de mémoire. La loi belge dite de « compétence universelle » de 1993, amendée en 1999 et en 2003, bien que n’ayant pas encore débouché sur un procès, représente une menace non-négligeable à l’égard d’Ariel Sharon, pour les crimes commis dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila en 1982, aussi bien qu’à l’égard des génocidaires rwandais hutus réfugiés en Europe.

La Cour Pénale Internationale a donc été proclamée le 1 Juillet 2002. Le Statut créant la cour avait été adopté lors d’une conférence internationale à Rome le 17 juillet 1998 : 120 pays ont voté en faveur de l’adoption du traité, sept pays se sont prononcés contre (dont la Chine, Israël, l’Iraq et les Etats Unis) et 21 autres se sont abstenus. Cette cour innove à plus d’un titre : d’une part, la Convention (statut de Rome) créant la Cour Pénale Internationale, en son article 4 prévoit que : « La Cour peut exercer ses fonctions et ses pouvoirs, comme prévu dans le présent statut, sur le territoire de tout Etat Partie et, par convention à cet effet, sur le territoire de tout autre Etat ». En ratifiant le statut de Rome, l’Etat partie accepte donc que la Cour Pénale Internationale puisse directement exercer sa compétence sur son territoire. C’est une réduction significative au principe de souveraineté des Etats qui, en matière de droit des gens, est particulièrement exceptionnelle. D’autre part, la Cour Pénale Internationale est permanente et sa compétence est mondiale, et non plus limitée géographiquement ou dans le temps. Les cas de crimes contre l’humanité sont déférés à la Cour Pénale Internationale par le Conseil de Sécurité pour investigation et traitement.

La Cour aura donc les moyens juridiques véritables lui permettant de poursuivre en justice des individus accusés de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Quelque soit le statut civil ou militaire de cette personne ou sa position officielle, y compris d’éventuels chefs d’Etat. Quant aux moyens politiques ou militaires mis à la disposition de la Cour, l’opinion publique internationale devra faire en sorte qu’ils ne soient pas seulement l’objet d’appréciation d’opportunité de la part des Etats.

Georges Walker Bush a refusé l’adhésion des Etats-Unis au motif que des soldats américains pourraient être amenés à comparaître devant cette cour.

Mais même sans les Etats-Unis, sans Israël ou sans la Chine (une belle brochette de démocraties, n’est-ce pas?) le Statut de Rome a d’ores et déjà une existence juridique. Et les Etats qui refusent cette réalité-là, sont ceux qui rentrent tout simplement moins vite que les autres dans le nouveau millénaire