Partout dans les médias, on nous a annoncé la mort de Juliette Gréco, la jolie môme au corps souple et libre, ganté dans une sobre robe noire qui restera dans nos mémoires.
Au même moment, les médias et les politiques s’affolent autour d’une polémique lancée par quelques lycéennes qui revendiquent de venir en cours en caraco laissant voir leur nombril, en jupe courte et pourquoi pas en bas résilles. Et le ministre leur répond très sérieusement que la tenue républicaine est de mise. Cela avant qu’il ne leur expédie une Compagnie Républicaine de Sécurité si ces jeunes filles s’attardent à manifester devant leur lycée.
« La gravité est le bouclier des sots » disait Montesquieu.
C’est l’occasion, chers lectrices et lecteurs du Conotron, de vous raconter l’histoire légère qui est arrivée à mon copain Hubert, prof de philo et surtout grand joueur de poker. A l’époque, Hubert était jeune et beau, plein d’enthousiasme et de dévouement pour son nouveau métier, une espèce de sacerdoce qu’il exerçait à sa manière dans un lycée du Loir-et-Cher où il était trois jours et trois nuits par semaine puisqu’il dormait dans une chambre de maître d’internat que le Proviseur avait bien voulu lui concéder.
Le gars Hubert avait eu vite fait de s’adapter à la vie de Province, de trouver un cercle de jeux où par hasard il côtoyait régulièrement trois ou quatre garçons de ses élèves qui comme lui, jouaient au poker des nuits entières. Il était coutume qu’ils regagnent ensemble la salle de classe, le matin, tandis qu’Hubert, un rasoir électrique à la main, réajustait sa cravate et son costume de l’autre.
Un jour de printemps, alors qu’il entrait en salle de cours la mèche en bataille et les yeux mal dessillés, il les ouvrit vite fait en apercevant au fond de la classe, car il faut savoir qu’un prof voit tout ce qui se passe au fond de la classe, une jolie môme de vingt ans, le chemisier largement ouvert sur une poitrine d’enfer. C’est tout juste si la mignonne n’enchaînait pas des clins d’oeil accélérés tout en arborant un sourire faussement niais.
« Fais l’tour ! » se dit Hubert en retenant son souffle.
Il commença à dire son cours en circulant dans la salle mais à chaque fois que son regard revenait vers les élèves, il tombait systématiquement sur le décolleté de la môme qui ne cessait de lui balancer ses clins d’yeux.
Donc, il lui dit :
– Mademoiselle, vous ne pourriez pas reboutonner un peu votre chemisier s’il vous plaît ?
Ce à quoi la nana lui répondit :
– Je peux vous poser une question monsieur ?
-Bien sûr, dit Hubert qui était un expert
Et la nana de demander :
– Dites-moi monsieur, ça vous sert à quoi, la philosophie ?
Pour le coup, Hubert qui était un grand bavard, resta muet. Quant à ce qu’il advint entre Hubert et la jolie môme, le contexte politico-médiatique ne me permet pas de vous le raconter.